La carotte (Daucus carota) porte-graine appartient à la famille des Apiacées (Ombellifères) caractérisée par une racine pivotante et tubérisée qui sert d’organe de réserve. La carotte est une espèce bisannuelle, à fécondation allogame et entomophile. Le cycle de la carotte porte-graine est long ; il dure environ 12 mois. Le semis a lieu entre la mi-août et début septembre, nécessitant plusieurs passages d’irrigation pour favoriser la levée. Ces apports d’eau favorisent également la levée d’adventices. La plante a besoin d’une période de froid pour déclencher la montaison, qui a lieu de début mai à mi-juin. La floraison est échelonnée et se déroule de juin à juillet ; ce sont les ombelles d’ordre I qui fleurissent en premier puis successivement les ordres II, III… Les ombelles d’ordre I, II, III assurent le rendement.
Le développement de la carotte est lent et la concurrence des adventices peut être très pénalisante. Les mauvaises herbes concurrencent la culture lors de deux phases sensibles :
– à la levée : envahissement rapide causé par la température et les irrigations ;
– pendant la floraison-maturation : avec des conséquences sur le chantier de récolte et la qualité du lot de semences récoltées. En effet, certaines adventices et en particulier leurs graines peuvent compromettre la qualité du lot de semences notamment sa pureté spécifique. La présence de graines étrangères dans un lot nécessite des opérations de triage supplémentaires et occasionne du déchet et donc des pertes de rendement, voire parfois le refus du lot, entraînant une perte totale de la récolte (Tableau I).
Mesures préventives
Choix de la parcelle
Les repousses d’Apiacées étant encore possibles 8 ans après leur récolte, une rotation longue est nécessaire entre deux semis en place (entre deux carottes ou entre carotte et persil) pour éviter les risques de pollution pollinique et/ou mélange de graines. Le choix de la parcelle est un facteur important dans la réussite du désherbage et devient essentiel.
– Éviter les parcelles infestées par des Apiacées sauvages comme le torilis, l’ammi-majus ou l’anthrisque. Les parcelles avec un risque sétaire sont aussi à proscrire. En effet, l’élimination de ces adventices dans la culture est compliquée, et il est très difficile de trier des graines de sétaire dans un lot de semences de carotte. Par ailleurs, pour limiter la présence de repousses de cultures comme colza, chicorées, pois, mâche, difficiles à contrôler, choisir de préférence un précédent céréales à paille, à condition d’avoir désherbé sa culture précédente avec des herbicides peu rémanents (Figure 1).
– Rechercher de préférence le précédent qui permettra de préparer le sol dans de bonnes conditions. Si les conditions climatiques le permettent, privilégier plusieurs faux-semis avant le semis des carottes en travaillant finement la couche superficielle du sol pour favoriser la levée des adventices. L’objectif de ce faux-semis sera de détruire une partie du stock semencier sur les premiers centimètres du sol. Il est vrai que la sécheresse estivale, la période de semis des carottes ainsi que le délai court avec la culture précédente ne sont pas avantageux pour la pratique du faux-semis.
Tableau I – Graines indésirables dans les lots de semences de carotte

Figure 1 – Rémanence des herbicides céréales appliqués au stade tallage sur un semis de carotte

Préparation du lit de semences
– Sans labour En sol argileux, en sortie de précédent peu sale et pailles broyées, il est possible de réaliser des déchaumages croisés avec un outil à dents ou à disques. Ensuite une préparation superficielle affinera le sol pour recevoir le semis, sans oublier de rappuyer le sol après chaque intervention afin de garder l’humidité du sol.
– Avec labour A cette période d’implantation de fin d’été, cette technique est peu adaptée pour obtenir un sol finement préparé. Souvent, une irrigation avant et après labour est indispensable. Avec cette technique d’irrigation, des faux semis sont réalisables avec une herse étrille afin de diminuer le nombre d’adventices susceptibles de lever dans la culture.
Interventions
La propreté d’une parcelle de carotte porte-graine à la récolte est fortement liée au choix de la parcelle (stock de graines d’adventices dans le sol) et à la réussite du désherbage au moment du semis et pendant l’automne. En cas de présence d’adventices développées en sortie d’hiver et si les conditions climatiques le permettent, un binage est recommandé avant le démarrage des interventions chimiques de printemps.
Interventions mécaniques
Le guidage RTK ou autre système de guidage permet une qualité d’intervention plus précise. La carotte est la culture bisannuelle la plus difficile à désherber mécaniquement au stade très jeune. La levée simultanée des adventices et des carottes complique le désherbage mécanique. Du fait de la fragilité des plantules, ce n’est qu’à partir du stade 2/3 feuilles et jusqu’à l’entrée de l’hiver que des passages de bineuse sont possibles avec précaution, si les conditions météorologiques et l’humidité du sol le permettent. Le désherbage mécanique est plus facile à réaliser de la sortie hiver jusqu’à la montaison des carottes. La bineuse sera équipée de dents Lelièvre ou de doigts pour passer au plus près de la ligne de semis et de socs butteurs pour nettoyer l’inter-rangs. Au printemps, il est aussi possible de passer avec une herse étrille et notamment après un passage de bineuse afin d’éviter aux adventices de redémarrer (voir Hors-série Bulletin Semences – Le désherbage mécanique en production de semences – 2013).
Interventions chimiques (Tableau II et III)
– Racer ME (2 l/ha) est essentiel pour désherber chimiquement la culture de carotte du fait de son large spectre d’efficacité et de sa persistance d’action. Du fait de son classement, il sera appliqué seul. L’application de Centium 36 CS (0,15 l/ha max) en complément du Racer ME permet d’élargir le spectre d’action et notamment sur morelle ou séneçon qui prennent de l’importance dans les parcelles. Attention, de la phytotoxicité peut apparaître sur les carottes sur sol humide (pluviométrie importante ou nombreuses irrigations réalisées pour favoriser la levée, sensibilité de certaines lignées).
– L’association Challenge 600 (1 à 2 l/ha) + Prowl 400 (1 l/ha) + Centium 36 CS (0,15 l/ha max) est une alternative au Racer MEet une meilleure solution pour limiter les levées de renouées ou séneçon. En sol léger ou sur certains types variétaux, les doses doivent être adaptées et réduites, en particulier pour le Centium 36 CS et le Challenge 600.
– Fresco (1 à 2 l/ha) seul ou en association avec Centium 36 CS est une autre alternative et présente un intérêt sur matricaire, séneçon et plusieurs graminées estivales qui lèvent également à cette période.
– Toutatis Damtec (2,4 kg/ha) est est aussi utilisable sur porte-graine car il est autorisé sur carotte consommation. C’est une formulation à base d’aclonifen et de clomazone.
En post-levée à l’automne et au printemps : les applications de prélevée sont bien souvent insuffisantes et des levées d’adventices ont lieu au cours de l’automne. Un, voire deux passages sont souvent nécessaires et à réaliser dans de bonnes conditions : stade jeune de l’adventice (cotylédons – 2 feuilles), sol humide et hors période de gel. De nouvelles applications de post-levée seront de nouveau nécessaires à partir de la sortie hiver et jusqu’au stade montaison. L’objectif est de maintenir la culture propre le plus longtemps possible et de positionner les herbicides au plus près des levées d’adventices. La liste des herbicides utilisables en post-levée se réduit depuis quelques années et le désherbage de la carotte repose désormais sur quelques spécialités.
– Challenge 600 (0,5 à 2,5 l/ha) est une spécialité essentielle qui est utilisée en association. La dose sera modulée en fonction du stade de la carotte (0,5l sur des stades jeunes à 2 l au printemps) et du type de sol. Grâce à l’usage carotte de consommation, Challenge 600 est fractionnable en 2 applications de 1,5 l/ha (BBCH 00) puis 1 l/ha. Il agit par contact sur les jeunes organes aériens émis par les semences, au moment de la germination des graines d’adventices, il doit donc être appliqué en prélevée des mauvaises herbes sur sol humide.
– Défi (dose recommandée par passage : 2 l/ha) sera aussi utilisé en association pour améliorer l’efficacité du programme de désherbage. Il est à la fois racinaire et foliaire et son utilisation est à positionner sur sol humide avant la levée des adventices ou sur jeunes plantules. Cet herbicide est fractionnable sans dose imposée par application mais à condition de ne pas dépasser la dose totale de 5 l/ha (usage carotte consommation). Attention, des contraintes réglementaires d’utilisation ont été imposées pour le Défi afin de limiter la dérive du prosulfocarbe sur des cultures non cibles.
– Sencoral SC (0,1 à 0,76 l/ha) peut être positionné soit à l’automne, soit au printemps. La dose devra être modulée en fonction du stade de la carotte (pas plus de 0,3 l/ha à l’automne). Comme le Défi, il a un double mode d’action, racinaire et foliaire permettant ainsi d’être efficace sur les adventices déjà levées et celles qui lèveront ultérieurement. Certaines lignées peuvent être sensibles à cet herbicide en conditions peu poussantes (froid, excès d’eau). La dose doit être adaptée sur les conseils du technicien d’établissement. Sencoral SC peut être remplacé par Metriphar 70 WG (0,65 kg/ha)
– Prowl 400 ou Baroud SC (1,5 l à 2 l/ha) agit pendant et après la germination des adventices. Il doit être appliqué sur des mauvaises herbes en cours de levée et jusqu’au stade cotylédons – 2 feuilles. Etant donné son efficacité insuffisante et notamment à cette dose, il sera utilisé en association.
– Cent 7 (0,75 à 1 l/ha) est un anti-germinatif efficace sur plusieurs dicotylédones annuelles. Il sera associé pour viser le maximum d’adventices. Son intérêt est aussi sa longue persistance d’action permettant de gérer des levées échelonnées. Pour obtenir pleinement son efficacité, Cent 7 doit être appliqué sur sol humide.
En sortie hiver et au printemps : les herbicides cités ci-dessus sont également applicables dans la mesure où le nombre d’applications par an est respecté. Les quantités totales appliquées (automne + printemps) ne doivent pas dépasser la dose maximale autorisée.
Au printemps et uniquement à cette période, une autre spécialité herbicide complète le programme de désherbage de la carotte porte-graine :
– Lentagran (1 à 2 kg/ha) est un herbicide de contact qui agit par absorption foliaire. Il sera appliqué seul ou en association sur un feuillage sec et en conditions poussantes. Son fractionnement est possible à condition de ne pas dépasser la dose totale de 2 kg/ha. Son intérêt est de détruire des levées d’adventices non contrôlées par les programmes herbicides précédents et notamment de séneçon, morelle ou des repousses de betteraves, à condition de ne pas dépasser le stade 2-4 feuilles des adventices.
> Quelques anti-graminées spécifiques sont aussi homologués sur carotte, à base de cléthodime, fluazifop-p-butyl, cycloxydime ou propaquizafop.
Des essais de test de nouveaux herbicides sont en cours et ils ont permis de repérer des spécialités sélectives en espérant que des demandes d’AMM seront possibles.
Tableau II – Quelques solutions pour les principales adventices ou repousses rencontrées

Tableau III – Efficacité des principaux herbicides (dose/ha)


Elise Morel